mercredi 19 septembre 2012


TROP DE ZONES D'OMBRE DANS LA GESTION DES DOSSIERS SENSIBLES

En 2009, une révolution dite orange nous a fait gober l’idée selon laquelle la société malgache sera dorénavant décrassée de toutes les salissures des régimes précédents. D’aucuns se souviennent encore de tous ces beaux discours de la place d’Ambohijatovo où les « révolutionnaires » ont promis l’avènement d’un nouveau Madagascar, l’instauration d’un nouvel État marqué par la bonne gouvernance et une meilleure gestion des affaires du pays où la transparence en sera le maître-mot...


Profitant de l’impuissance et de l’inefficacité des organes de contrôle tels que le Bianco et l’IGE, Andry Rajoelina et toute sa clique, dès la mise en place de la transition, seraient impliqués (le conditionnel est de rigueur, présomption d’innocence oblige) dans du trafic de bois de rose, des détournements de biens publics et diverses magouilles, entre autres celles liées à l’octroi des contrats miniers. À un point tel que l’opinion se demande si le pays n’est pas en train de faire du surplace, voire de régresser.

Au niveau de l’administration publique, l’IGE (Inspection générale de l’État) ne cesse de dénoncer, par média interposé, des détournements de fonds perpétrés par certaines hautes personnalités politiques de la transition. La presse malgache a fait écho de l’implication du Secrétaire Général de la présidence dans une grosse malversation financière. À l’heure où ces lignes sont écrites, ce haut responsable de l’État, à notre connaissance, n’est point inquiété par la justice malgache, bien que l’IGE ait fait connaître l’existence d’une enquête judiciaire à son encontre. En tout cas, aucune explication n’a été donnée au public sur la suite réservée à cette affaire. Bref, c’est le black out total sur ce dossier.

Sur le volet bois de rose, le professeur Zafy Albert a divulgué un documentaire allemand où des trafiquants chinois affirment avoir un lien avec le Patron de la transition Andry Nirina Rajoelina. L’opinion attend avec impatience la réaction de ce dernier par rapport à cette allégation. S’agit-il d’un faux documentaire monté de toutes pièces pour le salir ? Si c’est le cas, on se pose la question pourquoi le concerné ne cherche-t-il pas à riposter pour s’en dédouaner ? Si tout est vrai, pourquoi la Justice ne le poursuit-elle pas, sachant qu’il est communément admis, qu’en l’absence de la Haute Cour de Justice, le Président de la Transition est justiciable au niveau de la Justice tout court ?

Le site web mongabay.com, fondé en 1999 par Rhett Butler, spécialisé dans la conservation de l’environnement, a été on ne peut plus clair sur ce dossier en rapportant ceci : « L’enquête secrète a mis en évidence plusieurs cas de revendeurs en Chine qui affirment qu’ils traitent directement avec les plus hautes instances du gouvernement de transition de Madagascar. Liu Hongyu, directeur de l’agence Meheco à Pékin, un grossiste de bois de rose, a été filmé en train de dire qu’il traitait directement avec Rajoelina ». On aimerait bien avoir la version du Patron de la transition sur ces accusations. Comment expliquer ce silence radio de la Présidence sinon un comportement irresponsable d’un dirigeant qui pense ne pas être redevable à ses administrés, un chef qui ne croit pas avoir un compte à rendre à qui ce soit ou tout simplement une personne qui se considère comme étant au dessus de la Loi.
Suite au récent limogeage du ministre de l’Environnement Joseph Randriamiarisoa, les malgaches nourrissaient l’espoir d’une démarche sérieuse du pouvoir pour l’éradication définitive du trafic de bois de rose. Seulement voilà, il y a quelques jours, un quotidien malgache a porté à la connaissance du public l’existence de quatre bateaux chargés de bois de rose à destination de l’Asie. Autant dire que le trafic sur ces bois interdits continue de plus belle, à la barbe des agents forestiers et au détriment de la lutte menée par des associations œuvrant pour la protection des ressources environnementales de Madagascar.
Concernant l’achat des trois hélicoptères Alouette belges par le pouvoir de la transition, des zones d’ombres subsistent. La presse bruxelloise elle-même s’interrogeait sur le bien-fondé de cet achat. Quid de la motivation du gouvernement malgache sur l’achat de ces matériels militaires d’occasion dont l’état technique laisse à désirer. Des rumeurs persistantes font état de plusieurs millions de commission en faveur des acheteurs via une surfacturation. Autrement, comment justifier l’achat unitaire de ces Alouettes à un prix exorbitant de 750.000 euros, alors que la valeur d’acquisition des 23 hélicoptères par la société MAD AFRICA DISTRIBUTION, duquel lot a été trié ces trois alouettes, s’élève seulement à 900.000 euros. Le coût de revient d’une Alouette ne dépasse donc pas les 40.000 euros. Soit une marge invraisemblable de 2250% -j’espère avoir bien fait mon petit calcul de marge- pour la société vendeuse pour chaque unité d’alouette vendue. Pour le Bianco, quelle belle matière première, pour ainsi dire, à mettre sous la dent, si cet organe de lutte contre la corruption tenait à faire son travail correctement !



Quid également du financement de ces constructions d’hôpitaux et stades partout dans les grandes villes de Madagascar. Ce n’est plus un secret pour personne que dans bien de pays africains, la grande majorité des investissements en infrastructures tels que les hôpitaux, les routes, et les stades sont construits sur fonds chinois. Plus de 500 projets touchant les infrastructures en Afrique ont été financés par la Chine, selon le Livre Blanc de la coopération commerciale sino-africaine. Ces dernières années, une multitude de bâtiments publics modernes sortent des terres africaines. Madagascar figure parmi ces pays qui en bénéficient, mais le pouvoir pour l’heure ne semble pas assez enthousiasmé pour en parler ouvertement pour des raisons qu’on ignore. Alors que dans certains pays africains l’existence de ces financements n’est plus des dossiers classés Secret Défense. Le peuple congolais, entre autres sait pertinemment que la Chine est le principal investisseur du pays et son premier partenaire dans le secteur des infrastructures. Il est clair également pour tout le monde que les dons ou prêts chinois sont loin d’être désintéressés. Les médias congolais en révèlent la contrepartie : des grandes entreprises chinoises, en joint-venture avec des sociétés congolaises, s’installent dans la région la plus riche du Congo qu’est la Katanga pour l’exploitation durable de cuivre dont la réserve est évaluée à 500.000 tonnes et celle du cobalt estimée à 9.000 tonnes, via la mise à concession en leur faveur de la mine de Luisha.

Ce qui signifie que les dons chinois en hôpitaux et autres stades présentent une compensation sous forme de contrat minier à long terme. Ce qui ne serait pas forcément le cas pour Madagascar. Pour autant, les doutes sont permis depuis l’arrivée des MSPC (Sakaraha), WISCO (Soalala), MAINLAND (Manakara) dans nos périmètres miniers. Concernant toutes ces constructions d’hôpitaux et de stades, il est difficile de croire à une charité sans contrepartie. C’est trop beau pour être vrai. Nous estimons que le peuple malgache a le droit d’y mettre son nez à partir du moment où un engagement est signé en son nom, à plus forte raison quand il s’agit d’un engagement à long terme. D’autant plus que cette option de partenariat avec la Chine n’est pas un long fleuve tranquille. Au-delà du fait que les pays pauvres africains ne pourront jamais disposer de budget suffisant pour faire fonctionner ces hôpitaux- dont la plupart tombe déjà en ruine, en Afrique, pour la même logique- une friction entre ces pays et les bailleurs traditionnels semble inévitable. En effet, pour un pays sous ajustement structurel et bénéficiaire de l’initiative PPTE comme le nôtre, nos bailleurs traditionnels et le gendarme FMI sont en droit de nous mettre le holà pour plusieurs raisons. Afin de stopper notre élan, ils peuvent évoquer, entre autres, l’éventualité d’une contradiction avec l’effort d’allègement de dettes qu’ils déploient en notre faveur et l’accroissement de la dette publique découlant des garanties proposées aux Chinois. Or notre pays, pour l’heure, n’a nullement besoin d’être mis à la touche par nos financiers traditionnels, tant que la Chine ne peut suppléer aux prestations multisectorielles offertes par nos partenaires classiques, à moins d’un suicide collectif...

Extraits recueillis par NAIKA  Eliane

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