lundi 18 avril 2011

Madagascar : le nombrilisme d’une dictature en disgrâce.


Aux dernières nouvelles,  rien ne présage que le chef putschiste soit disposé à remettre le pays sur les rails de la démocratie. A en croire ses dernières déclarations, Andry Rajoelina, semble, au contraire, s’embastiller dans son autisme en ignorant ses propres responsabilités sur les dérives dictatoriales commises dans le pays depuis qu’il est au pouvoir, et ce en dépit du dernier rapport affligeant du Département US, sur la violation du droit de l’homme à Madagascar. Pire, il impute à la communauté internationale une manœuvre discriminatoire quand celle-ci refuse de reconnaître le pouvoir de la HAT alors qu’elle agrée « la révolution du jasmin ».

Dès lors, le peuple malgache, accablé par bientôt trois ans de gouvernement de fait, perd tout espoir d’une sortie de crise fondée sur la réconciliation nationale, l’abandon de toute velléité unilatéraliste en vue d’une transition plus respectueuse des valeurs républicaines.

Il est navrant de constater que le putschiste feint d’oublier qu’il a été l’auteur d’un coup d’Etat et de ce fait, il est interdit de tout exercice de pouvoir, si l’on se réfère aux accords de Cotonou et à la Charte Africaine sur les droits de l’homme. Sans omettre que son statut de Président de la Transition a été décidé dans le cadre des accords de Maputo dont la caducité n’est plus à démontrer, depuis qu’il a, de son plein gré, renié sa propre signature et jeté à la poubelle le précieux travail malgacho-malgache pendant lequel, rappelons-le, les médiateurs internationaux (UA, SADC, etc.) n’ont joué que leur rôle de facilitateurs.

Andry Rajoelina feint d’oublier que depuis sa prise du pouvoir par la force, il n’a jamais déployé tout l’effort nécessaire pour la mise en place d’une transition véritablement neutre, consensuelle et inclusive.

Enivré par son ambition inavouée de gagner à tout prix la prochaine élection présidentielle, Andry Rajoelina ne cesse de se comporter comme un apprenti dictateur en multipliant des actes anti-démocratiques.

Propulsé au pouvoir grâce à un coup d’Etat militaro-civil, le putschiste entame sa dictature par la manipulation d’un forum national destiné à préparer l’élaboration de la constitution de la 4ème République. Tout a été manigancé pour écarter ses adversaires politiques, en l’occurrence les trois mouvances et bien d’autres partis d’envergure. Le forum a bel et bien accouché une piètre Constitution soumise, quelques semaines plus tard, à un référendum populaire jugé par les sociétés civiles malgaches comme étant la pire consultation populaire que Madagascar ait pu connaître.

Après avoir verrouillé la HCC (Haute Cour Constitutionnelle) et le CSM (Conseil Supérieur de la Magistrature) par la nomination aux seins de ces institutions ses partisans, le putschiste n’a pas omis de faire table rase du parlement de façon à mieux donner libre cours à son projet totalitariste. Le CST (Conseil Supérieur de la Transition) et le CT (Congrès de la Transition)  ont vu le jour dans le but de pallier au vide juridique. Mais le peuple ne peut pas s’y reconnaître, compte tenu du fait que ces deux chambres ne sont composées que des personnes désignées par Andry Rajoelina.

Certes, le CENI (Commission Electorale Nationale  Indépendante)  a été crée pour se substituer au Ministère de l’Intérieur afin de se conformer aux conditions requises par la communauté internationale pour garantir la neutralité des opérations électorales.  Mais, les faits sont assez explicites pour démontrer que le CENI, en travaillant sous l’autorité de la HAT, perd toute son indépendance et devient un instrument à sa solde.

Bref, tous les ingrédients sont là afin de faciliter le processus unilatéraliste  concocté par le putschiste pour  servir son objectif obstiné de confisquer le pouvoir.

Quant au respect du droit de l’homme, le rapport du département US a largement relaté les diverses violations perpétrées par le pouvoir putschiste. Inutile de s’y attarder pour étançonner la thèse sur le caractère dictatorial du pouvoir actuel. S’il est une chose sur laquelle j’aimerais attirer l’attention des lecteurs- en corroborant, d’ailleurs,  la récente lettre adressée par le professeur Zafy Albert à Andry Rajoelina, c’est que l’Etat malgache ne repose sur aucune base constitutionnelle. J’estime que la pire des situations,  c’est d’être gouverné par un pouvoir fondé sur aucun cadre légal, donc des gouvernants qui ne sont plus redevables à son peuple sur quoi que ce soit, de façon à favoriser l’instauration d’un régime totalitaire où prévaudrait  la loi du plus fort.

Le paroxysme de la manœuvre dictatoriale du pouvoir putschiste est à chercher dans la manipulation  de la fameuse feuille de route de sortie de crise. Andry Rajoelina a brouillé les cartes au nom d’un prétendu  dialogue malgacho-malgache, et  argué le caractère inclusif de sa démarche par la mise en place d’un gouvernement dont la formation a été une affaire interne de son propre camp. En effet, Andry Rajoelina n’a  pas estimé nécessaire de partager la transition avec ceux qui ne se recrute pas parmi ses partisans et préfère, une fois de plus, opter pour l’unilatéralisme. L’attribution de postes ministériels à certains membres des trois mouvances a été scénarisée par le pouvoir putschiste pour faire croire à la communauté internationale que l’inclusivité tant décriée par celle-ci est en bonne marche. Or, personne n’est dupe. Il s’agit plus d’un débauchage que d’une franche participation des trois mouvances, sachant qu’aucun mandat permettant à ces membres dissidents d’accepter ces portefeuilles n’a jamais été donné. Sans oublier que, le Premier Ministre a été redésigné, une reconduction qui ne peut être comprise que comme une pure provocation à l’endroit de la communauté internationale et des trois mouvances  qui n’ont eu de cesse que la neutralité du Premier Ministre soit une nécessité impérieuse pour la réussite de la transition.

Au demeurant, le pouvoir putschiste continue à gérer le pays comme bon lui semble. Certes, Madagascar n’a pas connu les déplorables massacres de Duékoué (Côte d’Ivoire), mais l’entêtement du putschiste à aller vers l’élection, contre vents et marées, ne fait que conforter son appétence à confisquer le pouvoir par la dictature, au détriment de l’aspiration de tout un peuple qui ne demande qu’à vivre dans un pays réconcilié et un Etat rebâti sur de nouvelles bases réellement démocratiques.

Personne,  d’ailleurs, ne peut accorder le moindre crédit à une élection présidentielle organisée dans un contexte où la dictature reprend ses lettres de noblesses au sein d’un appareillage acquis à la cause du pouvoir  putschiste. En tout cas, la tenue précipitée d’un tel rendez-vous électoral  tranche avec le desideratum du peuple malgache à  mieux refonder la nation sur les fondamentaux républicains afin de mettre un terme aux crises cycliques qui minent son pays depuis maintenant vingt ans environ.

Que le putschiste ne se lamente pas de la non-reconnaissance de notre pays par la communauté internationale dans sa démarche foncièrement égocentrique préjudiciable à toute recherche de sortie de crise, une attitude qui ne fait que plonger la grande île dans un profond abîme sans nom. Espérons qu’à l’issue de ce déplacement en terre namibienne, Andry Rajoelina change son fusil d’épaule pour ne plus se comporter comme un dictateur replié sur lui-même,  mais un vrai démocrate soucieux d’un avenir radieux de son pays.